La voix de Cassandre
Religion et mystère sont inséparables. L'inconnu, et l'appréhension qu'il engendre, est une des sources des croyances. Les mystères de la création de l'univers, de celle de l'homme et de l'après-vie ont, de tout temps, conduit l'être humain à rechercher des explications que, en règle générale, seule la foi peut fournir à satisfaction.
L'espérance est l'autre source principale de la religion. Elle seule peut corriger ou rendre supportable les inégalités immanentes de tous ordres, physique, psychique, social, économique et cetera.
Au cours des trois dernières décennies, le fossé entre le cinquième le plus aisé de la population et le cinquième le plus pauvre a doublé. L'écart a passé de 30 à 1 au-delà de 60 à 1. Une vaste majorité des humains trouve dès lors en l'espérance d'une vie meilleure, ailleurs, sinon future, la compensation ou la consolation de ses déboires et frustrations ici et maintenant.
Le siècle que nous sommes sur le point de laisser derrière
nous a connu deux évolutions majeures, affectant directement la religion
: l'extraordinaire accélération de la connaissance et l'incroyable
développement concomitant de la communication.
La science, et plus particulièrement l'astrophysique qui explore
l'univers et la génétique, qui démystifie, voire concurrence,
la création de la vie constituent, à la fois, une menace et
une incitation à la religion.
Menace dès lors que les savants, du fait du colossal élargissement de l'information, dissipent nombre de mystères qui entouraient - que certains entourent encore - la création de l'univers, sa forme et son évolution et en même temps ceux des origines de l'homme, de sa genèse et de son histoire. La substitution du mystère par la connaissance est, certes, de nature à détourner bien des esprits éclairés de croyances battues en brèche. Un événement de portée peut-être incommensurable vient encore de bouleverser l'ordre établi : un savant britannique a produit un clone animal, c'est-à-dire un jumeau d'un mammifère, tiré d'une cellule prélevée et cultivée en éprouvette. C'est la porte ouverte à la production en série d'êtres humains sans géniteur. Seuls des freins précaires, sinon fragiles, d'ordre légal ou moral, nous séparent encore de la négation de la procréation à caractère métaphysique.
A l'autre pôle, opposé à la rationalité, la religion devient le refuge des déshérités. D'habiles manipulateurs exploitent, en effet, la désespérance d'une armée de malheureux, excitant les instincts les plus vils d'envie et de haine, pour entretenir une illusion révolutionnaire de croisade contre les possédants. L'islam combattant est à l'avant-garde de cette manipulation. C'est, au demeurant, devenu une constante du 20e siècle, de l'avènement du communisme en passant par le national-socialisme hitlérien, jusqu'au fondamentalisme khoméniste, de mobiliser les masses de pauvres derrière une bannière emblématique contre l'hégémonie d'une minorité de nantis, présumés hérétiques. Ces mouvements fanatiques se réclamant de "religions" parfois antagonistes - marxisme léniniste, paganisme raciste, islam obscurantiste - s'inscrivent généralement dans une régression culturelle qui en facilite la propagation.
Pour le prochain siècle, Dieu ou pas, that is the question.